LES GRANDES MAISONS DE MODE INVESTISSENT DANS LE DESIGN

Les nouvelles boutiques des maisons de mode

La décoration est à la mode, c’est un fait. Et comme la mode sait flairer les tendances mieux que quiconque, on ne s’étonne plus de retrouver tel ou tel meuble entre deux portants ou dans les scénographies des défilés. À l’ère de la surpuissance de l’image, il faut le décor qui va avec, qu’il s’agisse d’une simple inspiration ou d’une caution culturelle. On ne vend plus un vêtement, mais tout un univers. Ou plutôt une expérience, en langage mode. Si certains font appel à des artistes – Dior a enveloppé son défilé printemps-été 2023 dans les sculptures en carton d’Eva Jospin, d’autres préfèrent se tourner vers le design, comme Bottega Veneta qui a invité Gaetano Pesce pour une collaboration il y a moins de deux ans, avant d’asseoir en février dernier le public de son défilé sur le LC14 Tabouret Cabanon de Le Corbusier, réédité par Cassina. Une appétence pour le mobilier que le directeur artistique de la marque, Matthieu Blazy, a voulu partager jusque dans les murs de la boutique Montaigne, entièrement recouverts de noyer et éclairés par de grandes grilles en briques de verre, véritable leitmotiv qui n’est pas sans rappeler le célèbre Intrecciato maison. Cerise sur le gâteau, la poignée de l’entrée est signée par l’artiste verrière japonaise Ritsue Mishima, que les collectionneurs connaissent bien.

Probablement sont-ils aussi coutumiers du travail de Cerith Wyn Evans, à qui Anthony Vaccarello a commandé un imposant mobile en néons pour le navire amiral de Saint Laurent sur les Champs-Élysées, où de grands espaces minimalistes font la part belle aux meubles de Donald Judd... et l’on oublierait presque que l’on est dans une boutique de mode.

Même constat chez Gucci à Milan, Via Monte Napoleone, où le flagship est constellé d’œuvres de Lucio Fontana et d’autres artistes comme Nathlie Provosty, Adji Dieye et Augustas Serapinas, choisis par le curateur Truls Blaasmo pour sublimer un canapé de Vico Magistretti ou un fauteuil de Gerrit Rietveld, et suivre le virage less is more adopté par le nouveau directeur de création de la maison, Sabato De Sarno. À Milan, la boutique historique de Gucci, tout juste rouverte, affirme le renouveau esthétique de la griffe.

Des écrins design

Parfaitement référencé et stylisé, ce qui était encore une sorte d’alcôve il y a quelques années est devenu un salon à part entière où le décor semble clamer une autre existence que celle de simple faire-valoir pour vêtements et sacs à main.

D’ailleurs, en vitrine chez Comme des Garçons, sur le faubourg Saint-Honoré, la chaise de Rei Kawakubo rééditée leur vole littéralement la vedette.

Le design va-t-il devenir une pièce maîtresse du cahier des charges retail ?

Affaire à suivre. En attendant, d’autres commencent déjà à ouvrir discrètement leurs portes aux expositions de photographie, comme vient de le faire Lemaire dans son nouveau flagship parisien, soigneusement pensé jusque dans ses moindres détails par Christophe Lemaire et Sarah-Linh Tran.

Le sol clair en bejmat et les tapis en abaca mettent en valeur les meubles de la mythique série Autoprogettazione d’Enzo Mari et les céramiques barcelonaises d’Apparatu. Premier photographe invité : Osma Harvilahti. De la mode au salon, et du salon à la galerie ?

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