*CHALLENGERS* ET TENNISCORE… LE TENNIS PREND D'ASSAUT LA MODE COMME LE CINéMA

L’année 2023 aura été l’année des records pour Roland-Garros. À commencer par celui du phénomène Novak Djokovic : le joueur a décroché un troisième titre Porte d’Auteuil, soit un 23e majeur au total, ce qui le place devant ses éternels rivaux Rafael Nadal (22) et Roger Federer (20). Côté audience, un peu plus de 40 millions de spectateurs ont suivi le tournoi à la télévision et sur les plateformes avec des pics notamment pour la finale hommes opposant Novak Djokovic à Casper Ruud (6,5 millions de téléspectateurs scrutant la balle de match), ou la finale dame se jouant entre Iga Świątek et Karolína Muchová. Sans parler du net rajeunissement des téléspectateurs : quatre millions de 15-24 ans ont ainsi visionné le tournoi tricolore. Côté pratique, les chiffres sont tout aussi exemplaires. Le second sport le plus joué dans l’Hexagone a franchi, en 2023, le cap du million de licenciés, avec une féminisation accrue de la discipline.

Un véritable âge d'or : le tennis s'impose sur tous les écrans

À l’approche des Jeux Olympiques de Paris, l’engouement pour la petite balle jaune n’est pas près de s’arrêter. Bien au contraire. Grâce au petit et au grand écran qui lui offrent une tribune de choix. Ainsi, depuis janvier 2024, Netflix diffuse la seconde saison tant attendue de Break Point, sa série-docu à succès qui filme en coulisses la nouvelle génération de pros pendant les circuits masculins et féminins. Entre rivalités (Medvedev-Zverev), victoires, échecs et blessures, ce nouvel opus révèle la vraie vie des joueurs derrière le brillant des trophées. Mais c’est avec Challengers, le dernier film de Luca Guadagnino (Call Me By Your Name, Bones and All…), sorti en avril sur les écrans, que le tennis aura sans doute atteint son record de glamour et de sexy. Le pitch ? Un drame romantique et sulfureux sur fond de compétitions dans lequel Zendaya campe une ancienne joueuse prise dans un triangle amoureux avec Josh O’Connor et Mike Faist.

“Je crois que Luca Guadagnino n’a qu’un vague intérêt pour les spécificités du tennis. Il était beaucoup plus intéressé par les corps et la sueur”, confiait l’acteur américain Mike Faist, révélé dans West Side Story, au journal Empire, en 2023. Quant à Josh O’Connor, il résumait l’idée de Challengers par ces mots : “Le tennis, c’est le sexe. Le film traite de la tension avant et après.” Une tension exacerbée par les jeux de regards, la force physique, mais aussi par les costumes signés du créateur irlandais Jonathan Anderson, directeur artistique de Loewe qui signe également, cette saison, une seconde collection avec Roger Federer pour Uniqlo. Car la mode l’a bien compris, et les flots de shorts et de polos qui envahissent les collections le prouvent : entre élégance old school et corps sensualisés, le tennis, cette “formidable expression de l’énergie libidinale de l’être humain et de la culture” dixit Franck Évrard dans L’Érotique du tennis, n’a pas fini de fasciner.

Le tenniscore : quand la mode s'invite sur le court de tennis

Même Lacoste a remis le cap sur son terrain d’origine en faisant défiler, en février, à Roland-Garros sa collection automne-hiver 2024-2025 sous la houlette de sa nouvelle créatrice, la gréco-américaine Pelagia Kolotouros, et devant Pierre Niney, récemment nommé ambassadeur de la marque. “Pour moi, le tennis a toujours été l’un des sports les plus chics, abonde Emily Oberg, la fondatrice de la marque californienne Sporty & Rich dont l’esthétique vintage et second degré façon country club a déjà séduit Adidas ou Le Bristol. Il s’agit d’un sport axé sur la performance, mais aussi extrêmement gracieux. Les joueurs et joueuses de tennis sont devenus des modèles dans le monde en raison de leur intégrité et de leur passion. C’est la raison pour laquelle j’ai toujours été attirée par cette discipline et c’est un signe formidable qu’un public plus large s’y intéresse maintenant.”

Et comme le moyen le plus immédiat d’exprimer sa passion pour un sport et ses valeurs reste le vêtement, il était tout naturel que la mode s’empare des codes stylistiques de la raquette pour les moderniser sur et hors des courts. Le phénomène débute à l’automne-hiver 2022. Le vestiaire des Miu Miu girls – polo et mini-jupe plissée blanche – devient rapidement les fétiches du tenniscore, la tendance de TikTok qui remet au goût du jour l’esthétique preppy et sportive des classes aisées. Puis, à l’été 2023, Celine dédie à la discipline une première collection spécifique. Depuis, les références s’enchaînent : le magazine de lifestyle en ligne Highsnobiety revisite pour Lacoste le meilleur du style tennis en version oversized et tons de crème ultra luxe. Casablanca imagine un tee-shirt siglé “Casablanca Tennis Club” et une raquette avec l’équipementier K7 pour célébrer l’exposition Mode et Sport, d’un podium à l’autre, présentée au musée des Arts décoratifs.

“Le tennis est la discipline qui a tissé le plus de relations avec la mode, explique Sophie Lemahieu, conservatrice mode et textile du MAD. Car, contrairement aux sports collectifs nés dans les universités américaines, le tennis puise ses origines dans la haute société européenne de la fin du xixe siècle, c’est de là que vient son image d’élégance bourgeoise.” Très fortes, ses codifications vestimentaires ont été imposées par les Anglais et restent inchangées, notamment sur le tournoi de Wimbledon qui a inscrit l’obligation de porter du blanc dans son règlement en 1963. Pourtant, à partir des Années folles, “le sport va apporter à la mode son confort et faire reculer peu à peu la notion de pudeur”, poursuit-elle. En 1926, Vogue décrit ainsi les tenues réalisées par Jean Patou pour la championne Suzanne Lenglen : “Un costume de tennis qui est extraordinairement chic par la liberté, la pertinence et l’excellence de ses lignes simples.” L’ancêtre du vêtement moderne…

“Ce qui est amusant avec ce retour de l’esthétique tennis dans la mode, c’est son côté nostalgique, analyse Thomas Zylberman, styliste tendanceur chez Carlin. Alors que les vêtements utilisés dans ce sport sont de plus en plus techniques et la pratique de plus en plus axée sur la performance, les créateurs restent fascinés par le côté rétro, voire rétrograde de la discipline.” Pensez Lady Diana en mini-robe bleu pâle et brushing impeccable jouant avec Steffi Graf ou les sages polos des années 1980, revisités en version oversize (Jonathan Anderson x Uniqlo) et pastel, ou déclinés en robes pour la ville. Il fallait voir les modèles longs signés Andreas Kronthaler pour Vivienne Westwood ou même fendus sur la jambe chez Courrèges, sexy en diable. De Tennis Time Vintage à Recreational Habits, de nouvelles marques rajeunissent également le sportswear chic américain version génération Y avec des coupes plus anatomiques (la jupette taille basse) et un discours beaucoup plus inclusif.

Un sport et une tendance pour tous

“Apporter le monde exclusif de l’élite preppy et de ses loisirs aux personnes qui en étaient historiquement exclues”, telle est la mission de Jackie Skye Muller et Marlon Muller, le couple derrière Recreational Habits. De ce point de vue, ce sport, longtemps considéré comme conservateur, fait aujourd’hui bouger les lignes. Il ne faut pas oublier que le tennis est l’un des rares domaines où les femmes sont aussi starisées que leurs homologues masculins et cultivent de fortes personnalités. “C’est un sport très individualiste qui a été mixte depuis ses débuts”, rappelle Sophie Lemahieu. L’Américaine Coco Gauff a été ainsi l’athlète la mieux payée en 2023. “Beaucoup de joueuses n’ont pas hésité à prendre des positions très fortes, en utilisant d’ailleurs le vêtement comme moyen de communication.”

À l’instar des sœurs Williams qui se sont très tôt rebellées contre des codes très rigides et militent pour une plus grande inclusivité dans le milieu. On se souvient de la combinaison noire post-accouchement de Serena qui avait choqué les spectateurs de Roland-Garros en 2018 et de son tutu dessiné, la même année, par Virgil Abloh. Ces icônes de mode – Venus a lancé sa marque EleVen – et role models ont d’ailleurs largement contribué à glamouriser ce sport, qui pousse à des sommets le style (de jeu), la discipline et un mental d’acier. C’est d’ailleurs sur les courts que la mode vient recruter aujourd’hui ses nouveaux visages. Course aux JO oblige, le match a déjà commencé, notamment pour LVMH, partenaire officiel des Jeux. Après Naomi Osaka, égérie Louis Vuitton 2021, Carlos Alcaraz (numéro 2 mondial) a rejoint la maison, après s’être dénudé pour une campagne Calvin Klein. Quand Dior a enrôlé comme ambassadrices la joueuse Emma Raducanu et l’athlète paralympique Pauline Déroulède. Cette année, pas de doute, le spectacle sera aussi bien sur le court qu’aux premiers rangs.

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